Mousquetaire #2

Réalisé par Romain Humeau & Nicolas Bonnière. Enregistré au Studio des Romanos par Romain Humeau et Nicolas Bonnière. Enregistrement additionnels : Frédéric Jakubiac & Estelle Humeau.
Mixé par Romain Humeau. Masterisé à Globe Audio par Alexis Bardinet.
Ecrit et composé par Romain Humeau, excepté « Rock The Rockers » (biLLy bOY – Romain Humeau) / « Smartly Stupid » (Romain Humeau – Slomy / Romain Humeau).
Artwork & photos : Marie D’Angleville

L’idée « Mousquetaire » en deux volets n’étant pas de Romain Humeau mais de son ancienne maison de disque (30 chansons devaient initialement sortir en même temps), il transforme Mousquetaire #2 en une suite plus acérée que prévue. Plus dure et Hip Hop : « Chercher », « Nippon Cheese Cake » en gardant ses élans Petit Prince : « Quixote », « Loveless », « Tram Track to the blue ». Il se permet aussi ce dont il rêvait : écrire une Bamba (« Trop nul pour mourir ») et quelques brûlots punks Outkastiens (« Rob the robbers », « Tabloïds »). La contrainte ayant façonné d’autres envies, il livre un deuxième volet foutraque, encore plus décomplexé et libre que le précédent. Tout auditeur un peu sportif s’apercevra qu’ étonnamment, tout convole en parfaite homogénéité. « In oleo Balneat ». Un de ses maîtres mots étant de ne pas « se ressembler »…..  

Bien sûr, il y a la voix d’Eiffel, mais l’aventure proposée ne serait-ce que vocale est multiple : voix de tête, féminine ou enfantine, cassée et grave, claire et puissante, fragile et haletante… c’est selon. On est au cinéma. Il y a comme du Walt Disney dans ce Mousquetaire #2…. D’un circassien « Do the math » (…Et je traîne mon fantôme…) écrit au matin des attentats contre « Charlie Hebdo », aux panic-attacks de « Nippon Cheese Cake » (…si peu de vie pour tant de mort…), on circule d’écriture glacée et journalistique en tendresse-fleur bleue d’un Quixote héroïque (… j’allais où tu allais faire tes contes d’enfants…). De l’acerbe « Tabloïds » (… le monde te sniffe comme cocaïne…) aux nuits dépravées « Naked lunch » (…autant en enfer, aller plus loin que le dessert…), on sent le besoin de se faire peur, de jouer dans le noir pour conjurer choses vécues, en revenant toujours à un bouton d’or: le Mitsoukien « Smartly Stupid » (… J’fais des nus artistiques avec Mona Lison…). Comme si dans ses chansons, un rire enfantin et déluré (quelque peu sarcastique tout de même….) faisait constamment face à un monde d’ennui numérique et normalisé. La guerre des boutons 2017. Luciole contre clic. 

Là où certains sourds n’avaient entendu en Eiffel ou Romain qu’un nième rock français engagé et criard, la forte distanciation fond/forme dans l’écriture de Mousquetaire #2 devrait, si besoin est, remettre les mots à leur place. Jeu d’acteur : Romain méchant, amoureux, salopard, benêt, truand, winner, mal aimé, femme, homme, transexuel (« Tryin’ to be a girl) etc… De Pasolini à Quick et Fluke. Se permettant de brouiller les pistes en duo avec le rappeur billY boY sur la moquerie « Rock the rockers » (sous perf Cibbo Matto/Gorillaz). Chanson dont le titre évoque à lui seul 70 années de trémoussement jerk , de « Rock your body »  « Rock your baby » à  « Rock the Casbah »,  « Rock the house » pour un retour à l’envoyeur : se gausser de lui même, rocker qu’il ne prétend pas être. On goûtera ici au flow de l’excellent billY boY. Et puis il y a « Chercher ». Texte fleuve. Beaucoup moins cryptique qu’une première écoute pourrait le laisser croire : un manifeste comme Romain peut en écrire (« Je m’obstine » d’Eiffel au récit musical d’un autre genre). La vieille question du sens (ou non sens) de la présence humaine dans l’univers…. On convoque l’influence Ferré (« Le conditionnel de variété », « Le chien »), une envie d’ouvrir grand les portes harmoniques et poétiques. De se « dépasser » (« S’enflammer » 2006). On pense aussi au « Locataire » de Polanski, film construit en ouvert-fermé comme la chanson « Chercher ». Où l’on croit avoir quitté la pièce pour d’autres galaxies, quand en toute fin, on se surprend à reconnaître le point initial. Et plus infime encore: « J’ai cherché…. dans les siècles-guerre où la mélodie de ce flot d’éternité tout petit que voilà. »

Poupées Russes, constructions d’Escher et nouvelles extraordinaires….

Avec « Mousquetaire #2 », peut-être est-ce à son insu mais de manière définitive que Romain Humeau s’affiche comme « artiste à prendre ou à laisser ». Certains laisseront. Ceux qui prendront pourraient bien s’en amouracher à vie. Ça lui va toujours..