Romain Humeau

est né électron libre, jour de fête.
Chanteur, auteur, compositeur, multi-instrumentiste, arrangeur, réalisateur, un nouvel album constamment sur le feu il n’arrête jamais…. Manière de vivre.

Il sait aussi que la route a été et sera parsemée de succès ou d’échecs, selon… Ça lui va.
L’essentiel pour lui, résidant ailleurs : dans ce qui est à faire. Regarder devant à coup de boussole sonique.
Humeau, c’est du hors-pistes. Du hors-temps.

Affranchi tant artistiquement que dans le mode opératoire, n’ayant que faire des modes et de l’entertainment, il cherche. Rôle qu’il s’est donné le temps d’une première chanson à l’âge de onze ans et dont les mises en scène ne cessent dès lors de gagner sens et épaisseur. Comme le chante son ami Bernard Lavilliers, pour lequel il a réalisé plusieurs albums et co-écrit plusieurs chansons, Romain « ne se situe pas ». Il s’oriente. Prend plaisir. Il s’exige.

Tout comme il considère que son public est un semblable à caresser du bout des sons et surtout pas une cible. Tout comme il est persuadé qu’Eiffel, son groupe de toujours n’est pas une marque et devra se réinventer pour se donner le droit d’exister. Fils d’un facteur de clavecins et d’une flûtiste/décoratrice, il acquiert très vite une culture éclectique, madrigaux de Gesualdo, Monteverdi, Bach, Louis Armstrong, Beatles, Buzzcocks, Brel, Higelin, Cure, Depêche Mode, Kinks, Coltrane, Monk, Damon Albarn, Bowie, Pixies, Brian Wilson… Il apprend le violon à six ans, la guitare puis la batterie, forme à treize ans son premier groupe (Peanuts) avec son ami d’enfance Philippe Uminski.

Puis au conservatoire de Toulouse, il étudie harmonie-contrepoint, composition, batterie, guitare, percussions, classes de jazz, histoire de l’art tout en écrivant ses chansons et montant divers groupes de rock avec lesquels il arpente clubs, bars de la ville rose et alentours.
Quand il gagne Paris en 1995 et forme Oobik & the Pucks avec Estelle (sa compagne) et le batteur Nicolas Courret, la première mouture du futur Eiffel est posée.
Eiffel, naissant des cendres d’Oobik, écrit depuis l’histoire d’un groupe qui, de par sa structure et l’entente de ses quatre membres (Nicolas Bonnière les rejoint en 2008), semble fait pour durer, contre vents et marées, sans forcer, quand l’envie est là…. Et elle y est.

Mais Romain a toujours eu la franchise de dire qu’il n’écrivait ni pour Eiffel, ni pour lui même ni pour quelque projet concret que ce soit : il écrit.
Régulièrement. Qu’une chanson puisse en nourrir une autre. Jeter, garder, peu importe : chercher toujours. À l’instar de certains de ses pairs, il a la sensation qu’une chanson existe déjà dans l’air.
Papillon dont il aurait en charge la révélation.
Manière de vivre avec lui même, pour et avec les autres.
Inutile de lui demander « pourquoi Eiffel? » Ou pire, « pourquoi Romain Humeau? ». Il vous répondra : « à cause des mouches ».

Son originalité (attirant fans « Ahuris », repoussant détracteurs), pourrait en partie se nicher dans une différence de langage harmonique : emprunt quasi-systématique au polymodal sans occuper le premier plan, comme une bizarrerie, un trompe oreille ; ainsi qu’à une tension punk subliminale quelle que soit la direction musicale empruntée.
Tendu, oui, et suivant l’adage de Cocteau, c’est un défaut qu’il cultive.
Loin des travers virilo-heavy qu’il abhorre, ses héros de toujours étant Bowie, Albarn, Lennon/Mc Cartney, Franck Black et Brel, il cherche du côté féminin, une forme d’érotisme et transgenre sonore.

Un absolu, multi-dimensionnel et inaccessible. L’anti-sédentarité musicale, le contre-hook. Prévert, Céline, Burrough, Yourcenar, Vian, Calaferte ou Teulé entre autres comme autant d’univers croisés. Quand ses chansons se meuvent en Eiffel, elles passent par le prisme de Nicolas Courret, Nicolas Bonnière et Estelle Humeau.

La matière première reste quasiment immuable, travaillée en éclatements pour un final centré.
En revanche, pour ses albums solo, il ne se fixe aucune limite d’utilisation instrumentale, une autre forme d’aventure…
Prenez Mousquetaire#1 (Marjane, Something I can’t Touch, No one wins, Paris, Politkovskaïa) et « Vendredi ou les limbes du Pacifique », son adaptation musicale du roman de Michel Tournier, il prétend n’avoir rien fait et que tout est à venir.

Quand on aborde sa discographie, de l’album d’Oobik aux six d’Eiffel en passant par ses quatre albums solo, sans parler de ses multiples collaborations, il préfère causer d’un nouveau groupe à monter, du prochain Eiffel ou prochain solo, d’un recueil de poésies (« À tombeau ouvert ») ou d’un projet fou-rêvé avec son ami réalisateur Alexandre Plank.
De plus en plus à l’étroit dans les couloirs du business musical, il décide de monter le label Seed Bombs Music. Il s’y arrime en équipe.
Sainement et dans l’anti-cynisme. Prise de risque optimum, il le sait, mais nécessaire pour que tous ses projets, dont Eiffel voient le jour. L’acte de naissance du label Seed Bombs Music est à ce titre explicite : « permettre de sortir les disques pensés et désirés aux moments désirés en sortant des sentiers et plannings conventionnels, ainsi que des vieux principes offre-demande, création d’attente ».
Aussi heureux d’être dans son studio (Studio des Romanos) que sur scène (près de 700 concerts à son actif), en solo, avec Eiffel ou d’autres, il entrevoit le positif généré par la descente aux enfers de l’industrie du disque. Chemins et manières étant à réinventer.